La Suisse, pays pharmaceutique, a un problème : certains médicaments manquent. La liste des médicaments en pénurie s'allonge de plus en plus.
La Suisse, avec l'Allemagne, a longtemps été considérée comme la pharmacie du monde. De nombreux médicaments qui ont été développés il y a des décennies et qui sont encore utilisés aujourd'hui ont été développés en Suisse et y ont également été fabriqués pendant longtemps. Mais ce n'est plus le cas maintenant. Comme dans de nombreuses autres industries, la production a été externalisée vers d'autres pays pour des raisons de coût.
La Chine avec un monopole virtuel
De nombreux médicaments ou matières premières pour leur fabrication sont produits en Chine. La pénurie actuelle, notamment de médicaments relativement courants, est en partie due à la stratégie zéro-Covid en Chine. La production s'est arrêtée ou un lot bloqué dans le port de Shanghai, où il est stocké momentanément. Mais le problème est plus profond : pourquoi ces actifs viennent-ils tous de Chine ou d'Inde ? Aujourd'hui, on dit que 70 à 80 % viennent de Chine. La raison est en fait relativement simple. C'est cette immense pression sur les prix. Les génériques, les médicaments n'ont plus le droit de coûter quoi que ce soit aujourd'hui.
Selon Intergenerika, l'Office Fédéral de la Santé Publique (OFSB) entraîne également la spirale des prix à la baisse, notamment par le biais de spécifications des prix – de comparaisons internationales - pour les médicaments. À tel point que certains produits en Suisse ne peuvent être vendus qu'à perte. Le résultat est alors souvent que ces produits ne sont tout simplement plus importés en Suisse. Nous avons confronté l’Office Fédérale de la Santé Publique à ces allégations, mais n'avons reçu aucune réponse aux questions posées.
Cette « course vers le bas » met en danger notre approvisionnement en médicaments essentiels et nous rend encore plus dépendants de la Chine. Nous avons exactement la même situation que nous avons maintenant avec la crise de l'énergie. Nous dépendons du gaz russe, tout comme nous dépendons des matières premières et des produits pharmaceutiques chinois.
Repenser nécessaire
Certains pays ont déjà répondu à ces difficultés. Le président américain Joe Biden a annoncé que les médicaments essentiels seraient à nouveau entièrement produits aux États-Unis. Le président français Emmanuel Macron souhaite également que la France produise à nouveau elle-même du paracétamol (Dafalgan, Panadol), par exemple.
Une réflexion s'impose aujourd’hui pour les producteurs de médicaments génériques (Mepha, Sandoz, Spirig, Streuli,…). Concrètement, les prix des médicaments inférieurs à 20 francs ne doivent plus baisser et la dépendance vis-à-vis de la Chine doit être réduite. Il faut repenser à tous les niveaux. La politique d'abord, les industriels pharmaceutiques, les assurances-maladie, les patients et les associations de patients ensuite. C'est faisable. Est-ce facile ? Bien sûr que non. Cela coûte-t-il plus d'argent ? Dans tous les cas. Mais nous devons commencer à un moment donné. En tant que petit marché, la Suisse doit également collaborer avec ses voisins.
Christian Cordt-Moller, Pharmacien FPH / propriétaire