Comment parler d’une expérience que nous sommes tous destinés à connaître un jour sans jamais pouvoir en témoigner ? Mourir, c’est un fait tragique qui se manifeste à nous uniquement à travers la mort des autres.
« La mort est un trou noir. S’en approcher trop près, c’est courir le risque d’y être englouti et de ne pouvoir en parler » Frédéric Nef. Que dire de plus si l’on veut déterminer les caractéristiques de la mort, sinon qu’elle est à la fois quelque chose d’universel - puisque personne n’y échappe - et de subsistant - puisqu’elle demeure tout en emportant chacun dans le néant ?
Première découverte : la mort n’est pas seulement un événement (« il vient de mourir ») et un état irréversible (« il est mort »), elle est aussi un processus, que les auteurs du passé essayaient d’exprimer par la formule « il se meurt ». Si l’on considère la mort comme un mouvement, un processus, alors on peut changer le regard que l’on porte sur elle. Apprendre à mourir ne requiert aucune compétence particulière, et pourtant, la faculté de mourir est la « seule tâche toujours réussie ».
Que signifie, alors « être mort », si l’on n’en a jamais l’expérience ? Il n’y a pas de théorie scientifique de la mort, car « l’instant du changement » reste inaccessible à la connaissance. Je conteste les théories qui imaginent une survie après la mort – après tout, on n’en sait rien. Je marque ma préférence pour l’hypothèse du « présentisme* » : notre être est fixé dans une réalité qui se maintient pour toujours. Pourquoi, alors, parle-t-on de « résurrection » ? Il ne faut pas y voir ce que la religion a voulu en faire : un passage dans un au-delà, jusqu’au Jugement dernier. Ce voyage implique en effet l’éternité du temps, qui est logiquement incompréhensible. Mais si, avec la théorie du présentisme, le temps n’existe pas, alors la séquence passé-présent-futur n’a aucun sens. Ce qui nous permet de dire que « nous mourons une fois et nous ressuscitons aussi sec. […] La mort et la résurrection sont deux faces du même événement, ou mieux : mourir et ressusciter sont une seule et même chose ».
Inspiré du livre de Frédéric Nef « La mort n’existe pas »
*Dans la philosophie du temps, le présentisme est la théorie métaphysique selon laquelle seul le présent existe, contrairement au passé et au futur qui n’existent pas. Cette théorie s'oppose directement à l’éternalisme, théorie selon laquelle le passé, le présent et le futur existent tout autant.
Christian Cordt-Moller, Pharmacien FPH / propriétaire