Les gens souffrent et meurent du Covid aux soins intensifs, mais pour la population les soins intensifs représentent avant tout un système de prestations complexes et chères. Aussi émouvants soient-ils, les reportages qui y sont tournés n’arrivent pas à en traduire la charge de souffrance. Mais surtout, à propos de l’essentiel de l’expérience humaine, la machine à produire les sentiments contemporains que sont les réseaux sociaux reste muette. On y like par millions des vidéos de chats, de jeunes au look formaté qui s’exhibent en champions d’exploits inutiles ou encore on y passe des heures à échanger des propos d’une férocité et d’une grossièreté sauvages et d’une brutalité désinhibée. Pas de place pour l’expérience souffrante: le « mainstream » visuel se contente de broder avec le futile.

La liberté qui fait fi de la vérité de la science et de la souffrance.

Et puis, il y a les anti-vax et anti-mesures anti-Covid. Obstinés et incompris, ils brandissent dans les rues des villes des calicots couverts de slogans complotistes. La douleur des malades du Covid ? Pas de place, dans leur dispositif idéologique. Au centre de leur révolte, non la catastrophe de la maladie et le noyau dur de la détresse, mais la contrainte sanitaire et les effets secondaires des vaccins érigés en mal suprême. Et surtout : la liberté, la liberté avant tout, mais la liberté qui fait fi de la vérité de la science et de la souffrance.